Sophie Roselli, La Tribune de Genève
Comment lutter contre le terrorisme ?
Un juge et un policier portent un regard croisé sur la France et la Suisse autour d’une même question : comment lutter contre le terrorisme sans trahir nos démocraties ? Cette thématique d’une actualité brûlante a fait l’objet hier d’une table ronde à Uni Mail. Si l’on voulait se rassurer, c’est raté. Pascal Gastineau, président de l’Association française des magistrats instructeurs, le dit sans détour : « On s’attend au pire. Les attentats peuvent frapper un hôpital, une crèche, des lieux représentatifs de la société.» La menace est désormais globale, aveugle et prend un caractère non discriminé.
« Même des musulmans ont été tués le 13 novembre. » Et de relever : « Demain, cela peut exploser dans des villes de province.» Pour y faire face, il prône une décentralisation du pôle antiterroriste basé à Paris. L’instauration de l’état d’urgence en France, renforçant le pouvoir des préfets, le laisse sceptique : « On a fait des milliers de perquisitions administratives, mais on n’a trouvé que quelques indices. » Et de lancer : « Quand on donne ce pouvoir au préfet, on donne un coup de canif dans le contrat de la séparation des pouvoirs.»
La situation de ce côté-ci de la frontière est bien différente. « La Suisse n’est pas directement en ligne de mire des djihadistes », rappelle Marc Renfer, commissaire à la division enquêtes terrorisme à la police judiciaire fédérale. Pourtant, sa place internationale et financière en fait une cible, dit-il en substance. Réaliste, l’islamologue rappelle ces chiffres livrés dans une récente étude : « Selon le renseignement suisse, entre 300 et 400 personnes montrent des signes de radicalisation sur Internet, plus ou moins importante.»
Comment agit-on ? « On né peut pas observer tout le monde vingt-quatre heures sur vingt-quatre.»Une septantaine de cas font l’objet d’une enquête à FedPol, donnant lieu à l’ouverture d’une cinquantaine de procédures au Ministère public de la Confédération. Les moyens sont-ils suffisants ? « La police a les outils nécessaires, mais ce n’est pas le cas pour le Service de renseignement.» A ses yeux, la nouvelle loi sur le renseignement, combattue par référendum, est nécessaire.
Le terrorisme met sous pression nos démocraties. « Partout en Europe, les Etats procèdent à des réformes pour adapter leur dispositif antiterroriste », rappelle Frédéric Esposito, chargé de cours au Global Studies Institute.