L’Afmi solidaire avec les victimes des attentats en Belgique
À l’heure où la France renforce son arsenal législatif, il est paradoxal de devoir rappeler que le juge d’instruction a pour fonction d’approfondir la connaissance des réseaux criminels, de favoriser la coordination internationale, de veiller au respect de la loi au plus près du terrain, et de permettre la discussion des preuves durant l’enquête, y compris par les victimes. Alors que nombre de citoyens sont désabusés par le fonctionnement de l’État et se réfugient dans l’opposition radicale et la suspicion, affaiblir cette institution comme le fait le projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme actuellement en discussion au Parlement, risqué d’aggraver cette fracture sans améliorer la prévention d’actions violentes organisées. Certaines infractions supposent des temps d’enquête plus longs et des contrôles plus étroits : la réponse judiciaire doit s’adapter en conséquence et dans ce cadre le travail en profondeur du juge d’instruction se justifie pleinement. Pour faire contrepoids aux pouvoirs nouveaux des parquets et des services de police, l’article 24 du projet de loi crée un débat artificiel sur l’orientation des procédures pénales dont l’issue né dépend que du procureur, autorité hiérarchisée de poursuite, sans indépendance statutaire et sans qu’existe de recours contre ses décisions. Pour éviter l’organisation coûteuse d’un tel débat, les poursuites dans l’urgence seront encouragées, réduisant ainsi le champ des procédures autorisant le recours au juge durant l’enquête. Le projet de loi favorise la répression des auteurs d’infractions facilement identifiables, au détriment du travail de démantèlement des groupes criminels.
Quel est l’intérêt de créer ce mécanisme coûteux et de faible efficacité alors que la procédure d’instruction remplit déjà les objectifs affichés par le législateur ? Pourquoi né pas procéder au renforcement sérieux de ses moyens, et à la mise en oeuvre de la collégialité pourtant votée il y a bientôt 10 ans ? Curieusement, le projet de loi se propose aussi de restreindre les possibilités d’interception des communications numériques, même dans les procédures conduites par un juge d’instruction pour des infractions criminelles. Comment prévenir crime organisé et terrorisme si les moyens juridiques du juge d’instruction sont limités pour les premiers passages à l’acte ? Renonçant à la mise à plein régime des outils existants, le projet de loi alourdit le fonctionnement de l’autorité judiciaire avec de nouvelles mesures dont l’économie profitera à la fraction la plus habile de la délinquance, sans mieux permettre d’anticiper ses actions à venir.
Marie-Antoinette HOUYVET, Hervé AUCHERES, Claude CHOQUET, Jean-Michel GENTIL, Marc TREVIDIC, Jean-Luc BONGRAND et Pascal GASTINEAU respectivement anciens présidents et président de l’AFMI.